Il y avait un horizon. Une ligne claire comme on n'en voit plus par ici. Une ligne rare sans le moindre nuage. Sans la moindre effraction. Sans le moindre soupçon d'anéantissement. Une pulsion tragique, visiblement incendiaire, étrangère à ce paysage las. Une aspiration rougeoyeante, anecdotique et pourtant. Une corrélation soutenue entre ciel et terre. Immuable de sobriété, imperturbable de rigueur. Longue, si longue. D'une longueur étourdissante. D'une tranquillité maladive. Il y avait quelque part en ce monde cet horizon foudroyé, curieusement épargné de tous.
Il y avait un homme. Un homme assis en contrebas. Un individu proscrit dans son errance, sa fragilité de. Un homme que plus rien ne pouvait atteindre dans sa fatigue de cette traversée du monde. Il était à bout, à bord propice de contemplation. Il y avait cet homme-là, à vie égrainée, horizontal à l'infini. Il y avait tout ce corps dont la moiteur féconde étreignait l'interdit : la liberté de vivre à sa propre cadence. Celle de se déplacer au rythme de ces pas. A bout du monde, sans compter les jours. Sans s'imprégner à l'extrême de ce curieux mélange. De cet étrange et blême passe-temps maladif. Fini hier, usé aujourd'hui, anéanti demain. Seul. Juste seul avec le présent. Envahi par une sorte de pressentiment. Comme la craquelure d'une poitrine naissante. Comme une déchirure sous l'instant présent. Une plaie maligne et étincelante. Comme. Le corps constant, en repli sur soi-même. Il y avait cet homme-là muré contre le monde. Un monde humide de sobriété. Il y avait cette forme ensevelie parmi les pierres. Abasourdi par la soudaineté, la brièveté du geste. D'un seul geste à effectuer, à cristalliser sans plus attendre. A suspendre. A soutenir sans émoi dans le rebord infime d'une course envisageable. En visage et ensemencé. Et. Un seul cri. Un cri de bête poussé à vif, hors la déflagration. Hors la décrépitude. Hors le désordre, la folle consternation. Sous un soleil torride à piétiner les foules. Sous une vie ardente à mutiler les légendes. Il y avait de cet homme incrusté dans le temps.
Un homme. Une ligne. Entre ces deux axes toute une vie. Une brise parallèle, une trajectoire insensée.