Jean-François JACQ Jean-François Jacq

Chronique Fragments d'un amour suprême, Vierzonitude

Le livre du Vierzonnais Jean-François Jacq primé et c'est mérité

Publié par vierzonitude sur 19 Juin 2016, 19:48pm

'Fragments d'un amour suprême", primé ce dimanche 19 juin : premier prix du Jury du salon du livre d'Ebreuil

'Fragments d'un amour suprême", primé ce dimanche 19 juin : premier prix du Jury du salon du livre d'Ebreuil

C'est l'histoire d'un amour, suprême, entre deux hommes.

(En enfer, les homophobes crasses, ceci pour remettre à niveau les basses fosses d'une société qui déteste ce qui ne ressemble pas à la majorité et sa prétendue morale. Posé ce postulat de la détestation de ces simples d'esprits qui haïssent les homosexuels, le mariage pour tous et louent la cul-bénécité sans même une seule preuve d'amour concrète de la Grandeur qui les aveugle tandis que d'autres, de même sexe, ont tant de preuves d'amour à se fournir, nous pouvons reprendre le fil de notre conversation).

C'est l'histoire d'un grand amour entre deux hommes, d'un coup de foudre entre deux mecs, déchirés de l'intérieur. Lessivés de cette vie qui les précède. Meurtris d'une enfance en morceaux. D'une errance en dolby stéréo. Deux êtres, plus que deux hommes, qui se trouvent au détour d'une rencontre impromptue dans un bar, disons vierzonnais, le territoire est celui-là. Sans le savoir, leurs regards enclenchent un macabre compte à rebours. Comme si l'amour, suprême, unique, avait ce prix lourd à payer d'entrée : la mort, une vie en fragments. Jean-François Jacq, l'auteur de ce déchirant bouquin, survit à Daniel. Moins de cinq mois d'une relation charnelle, intense, celle d'une vie, d'une certitude, cinq mois d'une relation qui hisse la passion au rang de respiration, d'oxygène, de ce qu'il faut de sang pour vivre. Jean-François Jacq restitue cela dans 145 pages brûlantes d'une écriture où chaque mot pose la pierre d'un édifice vital mais creuse aussi un gouffre incommensurable.

Ils s'aiment. D'une force sans pâleur. D'une érudition sans langage puisque le seul langage admis est celui de cet amour suprême qui coule dans leurs jours heureux. Presque heureux. Deux êtres cabossés. Mais deux êtres debout. Une moitié chacun suffit pour en faire un entier. Jean-François aime Daniel, Daniel aime Jean-François. A cet instant même où l'horloge de leurs âmes se met à l'heure de l'autre, l'un des deux va mourir. Un putain de cancer qui revient. Une chimio plus vorace que le crabe emporte les poumons de Daniel.
145 pages. 145 pages où chacune d'elle hurle à la lune, le cri commun de l'amour qui se sait condamner. Jean-François Jacq livre un combat, plus qu'un récit. Une lutte contre la mort, se dit-on. Déjà lu. Une lutte pour retenir un être cher, déjà lu. Mais pas seulement. Car dans l'écriture du Vierzonnais, il y a ce phénomène qui remue les tripes : l'intensité de la douleur se noue à l'intensité de ce qu'il ressent, pas seulement les sentiments amoureux, non, cette angoisse du vide, de l'absence, même pas dramatisé, juste posé là, sur la table, à nu. Peau à peau. Souffle contre souffle. Jusqu'au dernier.

Un sentiment universel fabuleux qui livre sa force asexuée. Il n'y a pas deux hommes, deux femmes, ou un homme et une femme, non, peu importe d'ailleurs, il y a deux êtres et peu importe qui ils sont, puisqu'ils sont l'essence même de ce qu'ils ressentent l'un pour l'autre. Ils sont ce pour quoi ils se sont rencontrés et ce pourquoi ils s'accrochent.

(En enfer les homophobes : page 63, Jean-François Jacq fait allusion au crime, jamais résolu, du jeune Mathieu Hocquet, 21 ans, qui, vu le soir au jardin de l'abbaye de Vierzon, lieu de drague homosexuel, est retrouvé mort, massacré, vers la route de Neuvy. 17 ans plus tard, on ne sait toujours pas qui est ou sont l'auteur, les auteurs, de ce crime).

"Fragments d'un amour suprême", le titre du livre de Jean-François Jacq est un long cri, à la fois de cette joie d'avoir trouvé l'autre enfin et de savoir qu'on va le perdre. A chaque page, le lecteur oscille entre l'espoir qu'ils se sont enfin trouvés et le désespoir de voir l'autre s'éteindre, de sentir sa vie s'étioler sans que jamais il ne cesse de montrer cet indéfectible amour qui lui tient lieu de souffle. L'écriture percute. Exercice difficile de livrer une telle intimité entre deux êtres et retenir ce qu'il faut de pudeur pour la sacraliser, pour la faire briller de rareté, de profondeur et de respect. Car en dehors du drame humain, en dehors de l'énorme douleur de perdre un être cher, il y a aussi, dans ce livre, toute la difficulté contemporaine de deux hommes qui voulaient s'aimer, de l'un qui voulait soutenir l'autre, sans être pris en considération par les piliers moraux de la société. Comme si le fait d'être du même sexe bradait l'amour que l'on peut éprouver.

Il faut du courage pour édifier un tel livre. Pas seulement celui de retirer sa peau meurtrie pour la faire sécher au soleil de l'écriture, mais pour rendre avec justesse, cette musique si tragique de l'amour et de la mort, chantées pour une autre raison, par Bernard Lavilliers. Jean-François Jacq permet au lecteur de son livre de prendre chaque mot pour l'espoir et son contraire. Tout autant que le lecteur peut ainsi s'engourdir de ce flux et ce reflux chaud qui, universellement, se nomme pour les uns comme pour les autres, l'amour. Le reste, ce n'est que les circonstances de l'histoire de chacun.

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